Les jeunes, antidote à la morosité européenne

Il m’est arrivé la semaine dernière une série de petits émerveillements que j’aimerais partager. D’habitude je n’aime pas quand il y a trop de conférences à donner : j’ai l’impression de me vider. La semaine dernière, j’avais cinq événements à l’agenda, avec un dénominateur commun : à chaque fois, un public de jeunes. J’avais donc durant le week-end qui précède, bien pioché la garantie jeunesse et Erasmus +, persuadée que le ton des débats allait être – Qu’est ce que vous faites pour les jeunes ? Pourquoi pas davantage ? Près de quinze millions de jeunes chômeurs en Europe, sans compter les millions de jeunes NEET ( Not in Education, Employment or Training) qui coûtent si cher aux Etats Membres. Bref j’étais dans une spirale noire.

Première conférence, le lundi soir à Louvain La Neuve. Beaucoup de jeunes. Le thème ? L’immigration et la diversité culturelle. Miracle ! A part un étudiant anglais en Erasmus qui trouvait que le système de santé britannique souffrait plus du poids des ressortissants européens que des immigrés du Commonwealth, tous les étudiants étaient pour une Europe plus généreuse, moins forteresse. Le récent exemple de la votation suisse sur les quotas de migrants ne les faisait pas vibrer. Le miracle s’est prolongé jusque chez les intervenants, car même Denis Ducarme, qui représentait le MR, a eu, à l’égard de l’immigration, une parole teintée d’humanisme et de réalisme : la démographie plaide en faveur d’une immigration raisonnable.

Deuxième raison de ne pas désespérer : la conférence que j’avais organisée au Parlement européen durant la même semaine sur les priorités de la coopération après 2014. Y assistaient des jeunes, bien sûr, mais venus d’ ONG et d’horizons différents. Dans l’auditoire, alors que les fonds européens se font rares pour soutenir le Tiers Monde, il y avait un vrai souffle d’optimisme : nouveaux concepts, nouveaux paradigmes, lutte contre les paradais fiscaux, remise en cause de l’efficacité de la coopération et j’en passe. De quoi rincer la tête aux vieux européens grincheux qui disent – Occupons-nous d’abord de nos pauvres chez nous. Mais qui parle de pauvres ? De quel côté sont la créativité et le courage ? Bref, j’arrive en fin de semaine, assez requinquée. Et là encore m’attendent des cadeaux.

Troisième raison d’espérer ? Jeudi soir, un interview d’une heure pour une radio inconnue du grand public, Europa Bazaar, qui diffuse à l’usage des jeunes et tient un discours critique une peu déjanté. Au programme, l’euroscepticisme, l’état des prisons en Belgique (lamentable selon l’observatoire international des prisons), l’excentricité des Anglais, un quizz ( ouille !!!!!), et l’agenda culturel. L’animateur, un jeune européen convaincu, veut une autre Europe : plus libre, plus fun, à travers la musique, les jeunes- résolument positif. Les discours politiques ennuient tout le monde, alors pourquoi ne pas parler d’autre chose, pourquoi ne pas se taire et écouter ou faire de la musique ? Le lendemain, fin de semaine à Liège.

Quatrième raison d’espérer ? Vendredi matin, les ors et les fastes du palais provincial. Devant moi des jeunes qui s’improvisent politiciens, défendent un projet européen de l’énergie, veulent me convaincre de voter pour eux : oui, tout de suite ! je vote des deux mains ! Ils ont presque réponse à tout, ont préparé minutieusement leur jeu de rôle et en remontreraient à pas mal de politiques. Je sors de là heureuse, en me disant que tout cela vaut bien une thalasso thérapie : j’ai l’impression d’avoir perdu vingt ans ! Je vous invite à visionner le reportage réalisé par RTC dont voici le lien http://www.rtc.be/reportages/262-general/1459910-lycee-de-waha-quand-les-lyceens-imaginent-leurope-de-demain

Mais la douche revigorante, c’est pour le lendemain ! Cinquième raison d’espérer : le Tournoi d’éloquence de Liège 1 devenu une tradition puisque depuis une dizaine d’année j’accueille des lauréats de ce concours comme stagiaires à Strasbourg. Cette année encore la récolte a été bonne et la relève est assurée.

A l’heure où j’écris ces lignes, je suis retournée à Strasbourg . Je m’agrippe à mes souvenirs de la semaine dernière pour ne pas sombrer dans le pessimisme. Allons, l’Europe est toujours en marche, mais ici, dans l’hémicycle, ce n’est pas évident. Le paquet ferroviaire vient d’être voté : grâce aux efforts de certains rapporteurs, comme Said El Khadra, ce sera un moindre mal- mais je reste fondamentalement opposée à la libéralisation du rail . Elle demeure pour moi une menace pour la sécurité des travailleurs et des passagers, et comme Ken Loach dans les Navigators, je ne vois pas en quoi elle a boosté l’emploi dans les chemins de fer, ou amélioré le confort de l’usager. Alors, il est temps qu’une autre Europe se dessine : j’en ai vu les prémisses que je garde en mémoire, comme des pépites.

Véronique De Keyser